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Ils voulaient tous être là. Mardi 9 novembre, de nombreuses figures politiques nationales se pressaient à Colombey-les-Deux-Eglises (Haute-Marne), pour honorer la mémoire de Charles de Gaulle à l’occasion du 51e anniversaire de sa mort. Du sommet de l’Etat jusqu’à l’opposition de droite et de gauche, tous souhaitaient avoir leur image dans ce haut lieu du gaullisme à cinq mois du premier tour du scrutin présidentiel.
« Gaulliste social » revendiqué, Jean Castex a déposé une gerbe sur la tombe du général de Gaulle avant de participer à une cérémonie devant la croix de Lorraine, symbole de la Résistance, en milieu de matinée. « Tout le monde, quelque part, est un peu gaulliste. Après, il faut l’incarner dans son comportement quotidien », a déclaré sur place le premier ministre.
Il était notamment accompagné d’Anne Hidalgo, candidate investie par le Parti socialiste pour l’élection présidentielle et habituée des commémorations en tant que maire de Paris, l’une des cinq villes faites compagnons de la Libération par Charles de Gaulle. « Je suis gaulliste du 18 juin », a affirmé Mme Hidalgo. Devant la presse, elle a loué le « courage immense », la « vision » du Général, qui « a pris des décisions impressionnantes » pour porter « l’honneur » de la France.
A droite, les cinq candidats à la présidentielle, flanqués de nombreux cadres de la direction du parti Les Républicains (LR), se sont retrouvés sous le soleil éclatant de cet après-midi de novembre. Arrivée la première, Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France, aprécédé Xavier Bertrand, le patron des Hauts-de-France, l’ex-commissaire européen Michel Barnier, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti et le maire de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), Philippe Juvin. Christian Jacob, chef de file du parti, était, lui aussi, présent, accompagné de Damien Abad, président du groupe LR à l’Assemblée nationale.
Pour la droite, l’objectif était double. Quatre semaines avant le congrès du 4 décembre, lors duquel le candidat LR sera choisi, et au lendemain du premier débat entre les prétendants, une photo de famille symbolisant l’unité a été organisée. Objectif : montrer que le cru 2022 n’aura rien à voir avec celui de 2017, tiraillé par les divisions et les tensions.
Pour LR en général et pour chacun des candidats en particulier, il s’agit également de montrer une filiation directe avec une figure tutélaire de la nation afin de gagner en légitimité auprès des Français. Mais aussi de revendiquer un héritage politique. En privé, chacun y va d’ailleurs de son anecdote et de son lien personnel avec le Général ou la Résistance. Eric Ciotti évoque ainsi, parfois, son grand-père prisonnier de guerre et son oncle résistant dans les maquis de Corrèze. Michel Barnier rappelle, quant à lui, qu’il a été militant au sein de l’Union des jeunes pour le progrès, un mouvement de jeunes gaullistes. Pour ne citer qu’eux.
Une telle mobilisation « est la marque d’une faiblesse de la droite, qui n’arrive pas à projeter par elle-même une image, un projet collectif fort ou des leaders et doit s’inscrire en référence à la figure tutélaire que représente le fondateur de la Ve République », dit Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos. La droite se retrouve alors dans une concurrence double : d’un côté, un bloc constitué contre Eric Zemmour, pour montrer que le polémiste « est le plus mal placé pour se faire héritier de De Gaulle » ; de l’autre, une rivalité interne avec « la volonté, entre eux, de ne pas laisser l’autre s’approprier cet héritage ».
Dans un autre lieu historique, Marine Le Pen a, elle, rendu hommage au « libérateur de la France », à Courseulles-sur-Mer (Calvados) – le chef de la France libre y a débarqué en juin 1944 –, puis à Bayeux, où le général de Gaulle, dans son fameux discours du 16 juin 1946, a jeté les bases institutionnelles de la Ve République. La candidate à l’Elysée y a prononcé un discours moins historique devant la stèle du général, sous les sifflets et les cornes de brume d’une vingtaine de manifestants, notamment de la CGT. Elle a attaqué de façon transparente les responsables de LR, « si prompts à déléguer, concéder ou à abandonner l’autorité nationale » et qui « souvent usurpent l’héritage du grand homme ».
La candidate du Rassemblement national (RN), dont le parti s’est longtemps opposé à de Gaulle et a été fondé à la fois par d’anciens résistants, d’anciens collaborateurs et d’anciens de la Waffen-SS, reste en désaccord avec la politique algérienne de l’ancien président de la République et s’avoue aujourd’hui plus « gaullienne que gaulliste ». « Nous avons une vraie légitimité à parler de De Gaulle, a ensuite insisté Marine Le Pen auprès de la presse. Quel mouvement politique est le plus proche des idées fondatrices de De Gaulle, la souveraineté, le patriotisme économique, l’indépendance, la sortie du commandement intégré de l’OTAN ? Je n’ai aucun complexe à être là aujourd’hui. Je ne parle pas des mots. Dans les actes, le RN est dans la ligne. »
Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, présent chaque année à Colombey, a, de son côté, raillé cette bousculade mémorielle, en observant qu’à « la veille de la présidentielle tout le monde vient. L’année d’après, je suis tout seul ». Le fondateur du mouvement Les Patriotes, Florian Philippot, était également présent pour compléter cette liste de huit candidats venus rendre hommage au fondateur de la Ve République. Une mise en scène à laquelle a peu goûté le petit-fils de ce dernier, Pierre de Gaulle. Egalement présent en Haute-Marne, il a « dénoncé cette récupération » devant la presse : « La famille n’est pas là pour apporter une caution politique à un candidat, quel qu’il soit. Ce que nous voulons, c’est que dans le débat politique actuel, on garde une certaine dignité », a-t-il demandé.
Outre la volonté de se placer dans les pas du général de Gaulle, l’objectif mardi, à droite comme à gauche, était d’en éloigner le presque candidat d’extrême droite Eric Zemmour, lequel ne cesse de revendiquer l’héritage du Général. Mme Hidalgo entendait ainsi, par sa venue, « remettre l’histoire à sa place », selon son entourage, en réprouvant les propos du polémiste, toujours en précampagne, selon lesquels « Pétain a sauvé les juifs français ». « Quand j’entends des personnes qui légitiment l’action de Pétain en disant qu’il a sauvé des juifs, ils ne peuvent pas se dire gaullistes », a aussi souligné Valérie Pécresse à son arrivée à Colombey-les-Deux-Eglises.
Malgré des rumeurs annonçant sa déclaration de candidature à l’occasion de cette date symbolique, Eric Zemmour ne s’est pas déplacé. « Aujourd’hui, pensant que j’allais annoncer ma candidature, toute la classe politique se déguise en général de Gaulle, et Macron redéclare la guerre au Covid-19. Je vous propose d’en rire : c’est ce qu’aurait fait le Général », a-t-il écrit sur Twitter.
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